On fait grise mine, depuis la rentrée de septembre 2011, dans les rangs des collégiens pernois de Charles-Doche. En le voyant, on est un peu perplexe, c'est vrai qu'il ne fait pas son âge ,mais après un rapide calcul, il faut se rendre à l'évidence : Roger Martin, notre auteur vauclusien et professeur de lettres, a cumulé tous ses points et a fait valoir ses droits à une retraite méritée.
On fait grise mine chez ses adversaires politiques. C'était déjà du sérieux lorsqu'il menait de front combat politique, écriture et enseignement, alors maintenant que son emploi du temps s'est allégé …
Car Roger Martin est un écrivain mais aussi un homme politique qui a toujours su rester fidèle à ses convictions. Enquêtes, romans, essais, BD, peu importe le genre littéraire qu'il emploie, tous mettent en exergue son goût pour le roman policier et surtout sa profonde aversion pour l'extrémisme de droite et les multiples aspects qu'il peut revêtir.
L'auteur est considéré à l'échelle planétaire comme un spécialiste du Ku Klux Klan et plus généralement de la société américaine. Son enquête AmeriKKKa, voyage en Amérique fasciste parue en 1988 – revue et augmentée en 1995 sous le titre AmeriKKKa, Voyage dans l'Internationale néo-fasciste – demeure une référence.
"Mon intérêt pour le KKK date de mon enfance ... Je me suis passionné très jeune pour l’histoire des Etats-Unis, surtout celles des minorités, Indiens, Noirs et celle du mouvement ouvrier extraordinairement riche et mouvementée ... En tant que militant, ce qui m’a fasciné dans le Klan, c’est que contrairement à beaucoup d’affirmations, il est, dès sa naissance, un mouvement terroriste au service d‘une idéologie de reconquête du pouvoir. A 12 ans, en 1962, j’ai entendu les hurlements de mon voisin, le commandant Joseph Kubasiak, que l’OAS assassinait. Il y avait pour moi un parallèle extraordinaire car ces deux mouvements se ressemblaient finalement beaucoup !"
En 2002, Roger Martin va utiliser le neuvième art pour véhiculer ses connaissances sur les exactions commises par le Ku Klux Klan. En collaboration avec le dessinateur Nicolas Otéro, il crée la série Amerikkka dont le septième tome, Objectif Obama, est publié en 2010. A chaque opus, en compagnie d'un duo d'agents spéciaux – Angela Freeman et Steve Ryan - , le lecteur découvrira une région différente des Etats-Unis ainsi qu'une affaire impliquant les membres de cette organisation secrète ou l'ultra droite américaine.
Mais l'auteur n'en demeure pas moins un observateur attentif de ce qui se passe aussi plus près de chez nous. Si son combat acharné contre le Front National en France n'est un secret pour personne, il n'hésite pas à mettre en toile de fond de ses romans certains faits divers troublants comme en 1999, lorsqu'il crée la série L'Agence du dernier recours où l'héroïne, Hélène Rénal, est une femme ayant connu indûment la prison pour le meurtre de son père. Hantée par ces années passées dans l'univers carcéral et par le sentiment d'injustice qu'elle éprouva, elle décide d'ouvrir à Avignon une agence de détective dont le but sera d'aider les autres victimes d'erreurs judiciaires.
En 2008, Roger Martin publie un formidable roman-document sur le racisme qui régnait dans l'armée américaine durant la Seconde Guerre Mondiale : Jusqu'à ce que mort s'ensuive, qui sera récompensé du Prix Sang d'Encre la même année.
Le héros du roman, Douglas Bradley, débute une carrière de manager dans un département de l’empire Coca Cola d’Atlanta où son père règne sur plusieurs milliers employés. Sa famille fait partie de la bonne société noire dans une ville qui demeure le berceau du Ku Klux Klan. Son père, William, a gravi tous les échelons, a franchi tous les obstacles grâce à sa détermination, et il a intégré tous les standards du mode de penser américain. La seule chose qui oppose le père à son fils, c’est le souhait de ce dernier de rejoindre l’Académie militaire, d’aller combattre en Irak. Ce n'est pourtant pas son père qui va briser le rêve de Douglas mais une lettre le déclarant indésirable, "en application du règlement intérieur de l’armée des États-Unis". Cette nouvelle va le précipiter dans un monde d’une violence inouïe, l’obligeant à affronter des combats de mémoire dont les enjeux sont enfouis depuis plus de soixante ans dans les archives américaines, et dans des parcelles perdues, en France, de cimetières US de la Seconde Guerre mondiale.
Désormais retraité, on a du mal à imaginer Roger en croisière, sur un cinq étoiles flottant , écoutant chantonner une ancienne gloire déchue du showbizz. En croisade, c'est certain.
En 2013, Roger a sorti deux nouveaux ouvrages : en mai, Dernier convoi pour Buchenwald, chez Le Cherche midi - Un jeune militant trotskiste emprisonné se voit confier une étrange mission, liquider un dirigeant communiste déporté -, et en octobre L'honneur perdu du commandant K, Oskar édition, où Roger relate un évènement plus personnel, l'assassinat de son voisin en 1962, le commandant Joseph Kubasiak. Il revient alors sur un épisode de la Guerre d'Algérie, en 1961, à Blida.