Hervé Le Corre n'est pas un auteur prolixe. Mais, si tout ce qui est rare est cher, tout ce qu'il écrit est du Noir estampillé "Haut de gamme" : il suffit d'attendre patiemment.
"Je suis arrivé au roman noir par mes lectures, j’ai commencé à lire des romans noirs à partir d’une trentaine d’années. Jusque là j’avais une formation plutôt ordinaire et classique. J’ai commencé à lire les grands américains Hammett, McCoy, Jim Thompson, des français surtout Manchette et Vautrin. Dans les années 80, à l’époque de gloire du néo-polar, ça correspondait à ce que je cherchais comme lecture à la fois au niveau des écritures, du style, fort, puissant et des préoccupations, le reflet de la société dans sa violence, dans ses tensions, etc. j’avais envie de dire ça. C’est venu assez bêtement, le désir d’écrire qui rencontre des lectures qui m’ont comblé ...
J’aime bien l’expression de Pierre Sansot qui parlait des gens de peu. J’aime bien cette image des gens de peu, et c’est à côté de ces gens-là que j’ai envie de raconter des histoires, de leur côté. Ce qui implique un engagement, à la fois littéraire parce que le point de vue narratif va être de leur côté, et un engagement plus général, plus politique sans faire pour autant du polar politique ou de dénonciation. Des récits à hauteur d’homme de préférence et du côté des gens qui prennent le pire de la violence dont je parlais, qui sont constamment soumis à cette violence, qui en sont victimes."
Ses trois premiers romans parus dans la Série Noire – qui se déroulent dans sa ville natale, Bordeaux -, La douleur des morts (1990), Du sable dans la bouche (1993) et Les effarés (1996), donneront le ton de son oeuvre, noirceur de la solitude et du désespoir, de l'errance et la mort qui rôde, mais surtout montreront toute l'étendue de son talent.
Il faudra cependant attendre une décennie pour que la force de son écriture se voit enfin récompensée par plusieurs prix littéraires. C'est tout d'abord L'homme aux lèvres de saphir (un roman noir historique dans le Paris de 1870) qui obtient le Grand Prix du Roman Noir Français 2005 (Cognac), prix qu'il recevra une seconde fois en 2010 (Beaune) pour un chef-d'oeuvre, Les coeurs déchiquetés, titre déjà auréolé l'année précédente du Grand Prix de Littérature Policière 2009 et pour lequel il se verra également remettre le Prix Mystère de la Critique 2010. Deux êtres réunis par la perte d'un être cher, Pierre Vidal, un commandant de police bordelais, père d'un enfant enlevé à la sortie de l'école et Victor, un adolescent dont la mère vient d'être sauvagement assassinée. Vidal est chargé d'enquêter sur ce meurtre. Un roman sur la solitude et l'isolement, sur fond de prostitution et de trafic d'enfants, savamment orchestré par l'auteur. Les coeurs déchiquetés remporte le Prix Soleil Noir 2013 de Vaison-la-Romaine.
Hervé Le Corre est aussi un brillant nouvelliste, comme le prouve son dernier ouvrage Derniers retranchements, un recueil de dix récits édité en 2011.
Il est resté fidèle à sa région bordelaise où il réside toujours et enseigne dans un collège de banlieue.