Quel
immense plaisir - et quoi de plus logique - que de compter parmi les
auteurs de Vaison la nouvelle invite le Polar LE spécialiste des
nouvelles policières en France. Marc Villard fait partie des
romanciers de la génération Gallimard des années quatre-vingt
(bien qu'il fût aussi édité chez Rivages à cette époque), au
même titre que Pouy, Daeninckx ou Pennac, avec Corvette de
nuit (1981), Ballon
mort (1984), Le
sentier de la guerre (1985),
Rebelles de la nuit
(1987) et La dame est une trainée
(1989).
Avant
le polar, cet éternel adolescent à l'humour sophistiqué, qui
cultive brillamment le ridicule, a été poète dans les années
soixante-dix (sa première publication en 1971 sera d'ailleurs un
recueil de poèmes). Il est graphiste, musicien, passionné de jazz
et de rock, scénariste pour l'audiovisuel et la BD.
"Durant
les dix premières années où je me suis penché sur l’écriture,
j’ai travaillé uniquement dans la
poésie, j’ai publié six recueils de poèmes et je me suis aperçu
au bout d’un certain temps que la poésie
ne m’apportait plus grand-chose. Je m’y intéressais encore, mais
plus en tant qu’écrivain. J’ai
eu alors envie de passer à la fiction. Comme j’étais moi-même
lecteur de polars, tout naturellement
je me suis dirigé vers le roman noir, le roman policier noir… et,
en fait, je n’ai pas eu trop
envie d’en sortir. Je trouve que dans le roman policier on a une
énorme liberté, la critique traditionnelle
n’a pas les yeux braqués sur nous et on peut se permettre
d’aborder des sujets, des thèmes,
qu’on aurait des difficultés à faire passer en littérature
générale. J’aime assez ça… De
plus, sur le plan stylistique, on ne m’a jamais rien imposé, cela me permet de temps en
temps d’essayer des expériences stylistiques sur des textes
courts, des nouvelles; ce qui me serait
certainement reproché ailleurs."
Depuis
une vingtaine d'années, l'auteur écrit moins de romans (toujours
aussi savoureux, La porte de derrière , 1993, ou La
guitare de Bo Diddley, 2003, dont il tirera une BD en 2009 avec
Jean-Christophe Chauzy ...), mais nous offre régulièrement des
recueils de nouvelles dont les textes ont tous pour point commun la
qualité. Pour ne citer qu'eux, Rouge est ma couleur, 1996
(adapté également en BD avec Chauzy, 2005), Gangsta rap,
2000, Personne n'en sortira vivant, 2003 ou plus récemment, I
remember Clifford et Un ange passe à Memphis (2012).
Un
des faits marquants des années 2000 est un coup de génie qui débute
en 2005, avec la sortie d'un recueil de 25 nouvelles rédigé à
quatre mains avec Jean-Bernard Pouy, Ping-pong : Marc a écrit
treize nouvelles disposées dans un certain ordre et confiées à
l'homme qui retrouva les cinq âmes perdues de Thompson (le Sieur
Pouy) ... qui devra les lier par douze nouveaux textes. On prend les
mêmes et on recommence en 2008, avec Tohu-bohu : les deux
compères écrivent chacun de leur côté six nouvelles, à charge
pour l'autre de sampler chaque texte. 2010, c'est au tour de Zigzag
de paraître : Villard dresse pour Pouy une liste de ses dix thèmes
habituels. Jean-Bernard en fait de même pour Marc et chacun écrit
dix nouvelles avec les thèmes de l'autre. Trois ouvrages
indispensables dans la bibliothèque idéale.
On
retrouve dans l'oeuvre de l'auteur des sujets qui lui sont chers :
les paumés, les laissés-pour-compte, les arnaqueurs, les petits
truands, les éducateurs de rue (Tramson), la ville (Paris et Barbès,
Naples, Barcelone ...), la musique (jazz, rock) ... des thèmes qui
constituent une grande partie de ce que l'on aime retrouver dans le
Noir.
Ecrire
des nouvelles est un exercice délicat, où chaque phrase doit être
ciselée avec une infinie précision, chaque mot pesé doit
judicieusement trouver sa place dans un texte calibré, et ce n'est
pas par hasard si Marc, le poète, excelle dans cet art.